Regard sur la saison qui vient de s'écouler…

lundi 30 mai 2011, par Leonor

« Temps qui passe, temps qui s’envole, temps immobile et toujours le même. Nous passons à travers lui, nous le traversons, nous vieillissons en lui, face à lui, contre lui. Nous sommes les passagers du temps, ce temps, le nôtre, vieux comme un fossile. Nous arrivons et nous partons, ça passe, c’est tout ! En attendant de savoir, soyons… »

Leonor en février 2011 à L’Espace Poirel, Nancy.

« ÊTRE » est la devise de cette saison qui s’écoule encore une fois face à nous. La compagnie A Petit Pas a essayé d’être au plus prêt de vous, à travers nos spectacles : « Amour à Mère »,« Je Rentre à la Maison » et à travers les différentes interventions pédagogiques. Depuis l’année dernière un nouveau cycle de vie, de travail artistique a vu le jour. J’ai voulu aller de l’autre côté du plateau pour constituer « une famille » (un corps artistique collectif) et avec elle créer une nouvelle écriture, une nouvelle dynamique. Le pari a été gagné à travers notre création « Je Rentre à la Maison ». Une promenade douce-amère dans le monde de l’attente, celle des nos « chairs-vieux » dans le rempart de la mort. Qu’est-ce qu’il reste quand il ne reste plus rien ? Puis, comment vivre le présent, tout en sachant que nous sommes ici que de passage. Aujourd’hui je sais que pour ma prochaine création j’ai une famille qui m’entoure (famille d’artistes mais aussi de programmateurs qui sont dans le même engagement que moi) et je sais aussi que je présenterai ma première dans un lieu chaud, avec du vin chaud, et des amis chauds… pour ne pas trop me geler les nichons (ja ja ja)

« Entrer au centre de moi dépouillée de tout »

C’est précisément cela que j’ai défendu dans les deux gros projets pédagogiques que la cie A Petit Pas a portés cette saison. Le projet « Mon vieux à moi » dans le cadre de notre venue au Théâtre la Paillette (Rennes), dans le travail de masque avec les étudiants de théâtre de l’université de Rennes II (grâce à la confiance de mon amie et partenaire Brigitte Prost).

Vous pouvez regarder les dossiers pédagogiques, si ça vous intéresse dans la partie collaboration.

Ce que j’ai a dire de ces deux expériences, très différentes mais en lien toutes les deux. C’était une continuité dans le travail de recherche sur la vieillesse. Avec les jeunes nous avons partagé, l’équipe de A Petit Pas (Bob, Fred, Yano, Isabel, Bastien et moi même) une semaine de travail intense. Nous avons en collaboration avec Jacqueline Gonzalez (professeure de français au collège de Monfort sur Meu et Anaïs Briand de la Paillette ) mise en place un dispositif de plusieurs ateliers (corps, arts plastiques, photo, écriture) à l’intérieur desquels les jeunes ont pu apprendre différentes techniques, se poser des questions sur le sujet abordé et mettre en place une écriture dramatique qu’on a présentée devant des élèves, familles et institution. En même temps depuis le mois d’octobre il y a eu un travail de correspondance avec les anciens de la maison de retraite et nous avons été les visiter pour mieux les connaître, et apprendre d’eux. J’ai été surprise de leur engagement, de leur maturité et de leur désir de devenir les passeurs des histoires racontées par les anciens qui sont devenus leurs amis. D’ailleurs après la fin de l’atelier les jeunes continuent d’aller visiter leurs vieux amis…

Voici pour moi un projet qui a du sens, qui s’inscrit dans un territoire (une phrase très à la mode) et qui nous permet de comprendre de quoi est fait l’humain. Nos peurs, nos nostalgies, nos désirs, notre vie ! Et ce grâce au théâtre…

A l’Université de Rennes :
Avec mon groupe de moins jeunes à l’université de Rennes nous avons travaillé avec Loic Nebreda (facteur de masques et collaborateur artistique de la cie) sur la construction d’un personnage masqué de vieux/vieille. Et oui, encore les vieux…

« Je me suis rendue compte que l’authenticité vient quand on accepte de descendre, plus que quand on recherche les hauteurs » Maria Zambrano

Puis nous avons mis en place un spectacle : « L’ile des vieux » (vous pourrez voir des images prochainement), que nous avons également présenté devant un public lors de la fin de cet atelier.
Encore une fois un moment fort, riche et intense.
Le masque est devenu notre socle, le porteur d’un autre monde. Il a permis aux jeunes de sortir de leur corps pour se mettre au service du corps-masque. Nous avons abordé les principes du jeux sur le plateau, le besoin de la rigueur, de l’exigence, ne pas avoir peur de se mettre à nu, se dépouiller de tout.
Cet atelier a été accompagné par un travail de recherche et d’écriture en parallèle. Voici un extrait d’un matériau de travail que je leur ai donné pour impulser une parole, un acte, une mise en abime (inspirer de la très grande dame Pina Bausch)

« Ne pas avoir le temps de creuser …Le corps du vieillard qui reste debout parce qu’il ne sait pas de quel côté tomber…Quelque chose qui me dégoute…Les mots que vous utilisez le plus souvent…Un amour inassouvi…Le cauchemar qui me hante toujours…Nous sommes vieux tous les deux…Qu’est-ce que vous emportez avec vous dans une île déserte… La photo de votre grand-père/mère…Dos au mur…Quand on a plus rien, quelle porte s’ouvre…Si j’étais un souvenir…et un désir…Pourquoi il râle tout le temps…Qu’est-ce que vous détestez le plus des autres ?…Si la vieillesse était un poème danse… Qu’est-ce qu’on dit quand on meurt ?…et quand on naît ?…Où tu as mal …Enlevez-moi les os…Un prénom qui vous émerveille…

Ces ateliers dans le cadre de l’université permettent aux jeunes de sortir du carcan scolaire, de se confronter à une pratique, de découvrir l’univers d’un artiste. De vivre dans leur chair et pas que dans leur tête. En même temps ils sont obligés de se regarder autrement, de pousser les barrières. Je suis convaincue de l’importance de ce type d’expérience et de parcours pédagogique à l’intérieur d’un parcours plus classique. Ça ouvre d’autres perspectives, ça oblige le jeune à se poser des questions sur son désir : désir d’avenir, désir de place dans la société, désir de soi…ça provoque le déséquilibre tout en ouvrant de nouvelles portes .

Mon seul regret est de ne pas avoir pu aller plus loin avec le groupe. Partir en tournée avec « L’ile aux vieux », prendre la route, sortir de la ville…

On apprend toujours, et moi la première. S’il y a une prochaine expérience je demanderai un bus pour partir en saltimbanque sur les routes de la France avec mes jeunes. Et moi leur Pasionaria…

Quelques images
Cette saison a été aussi la tournée de « Mon père ma guerre » Long voyage au cœur de la mémoire, la mienne, celles de nos ancêtres, celle de la guerre civile. Très beau voyage partagé avec l’équipe constituée par Tro Heol (Sara Floch, Vincent, Thomas, Michel, Clément, Laurence, Veronica et nos passeurs Daniel et Martial).

Grâce à eux j’ai plongé chair et âme dans le rôle d’Alma (écrit par mon ami Ricardo Monserrat). Une magnifique créature de mère : monstrueuse et terrible mère Alma. Beauté et cœur de l’Espagne. Toujours dans le don, mi Alma !
Et dans le cœur de la nina, celle qui croit, celle qui reste, celle qui chante pour ne pas oublier.

La nina je la porte en moi, depuis tout le temps. La à travers la création de Tro Heol j’ai pu la re-trouver et bientôt je la retrouverai autrement. Cette fois à travers mon écriture.

AMANECER
Voir le jour. Naître à nouveau. L’aube d’une nouvelle vie, celle que je me permets. Revenir en arrière. Ouvrir la porte et laisser entrer les autres, les fantasmes, ceux qui nous habitent depuis la nuit des temps. Regarder par la fenêtre les ruines de notre mémoire. Accepter, accepter…Avancer dans la lumière et dire.

Voilà, donc le début de l’été. Le soleil vient à nous, enfin, après l’hiver sombre et froid. Il va falloir entrer en écriture, il va falloir creuser. Que je suis heureuse de cela, que j’ai peur.

Encore, une nouvelle histoire, encore et encore :

« Désert, vide ; ce n’est que quand arrivera cette présence, qu’arriveront avec elle toutes les autres ; ce n’est qu’avec sa plénitude et sa lumière que les choses prendront corps et sens ». Maria Zambrano.

Et avec l’été la révolution en Espagne. Comme si c’était un signe…

www.democraciarealya.es


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5 messages

  • Léonor, je viens de lire ton tout nouveau texte, aussi touchant que les autres mais celui-là peut-être encore plus puisqu’il fait référence à des souvenirs communs !
    Lila-Rose me dit qu’elle accepte volontiers de partir avec toi, elle est restée sur l’île aux vieux et attend…j’aimerais beaucoup partir en tournée aussi !!!
    Merci encore pour ce très bel atelier, je crois que j’ai beaucoup grandi depuis. Je n’ai plus peur des masques et je prend autrement conscience de mon corps…une totale réussite ! Loic et toi vous avez été une très belle rencontre, comme je vous l’ai dit, vous m’avez ouvert les portes d’un autre monde, différent de tout ce que j’ai pu voir jusqu’alors. Merci !

    Je t’embrasse et te souhaite beaucoup d’auttres aventures…

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    Laurie et Lila-Rose, Le 2 juin 2011 à 21:03
    • Regard sur la saison qui vient de s’écouler… Le 4 juin 2011 à 18:03 , par leonor CANALES

      Merci Laurie pour ce message qui me donnes la force…Continue à être si prés de toi, c’est ainsi que nous arrivons à savoir. Même si c’est plus dure que la fuite. Je t’embrasse et à trés bientôt !!!

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  • Moi aussi j’aimerais partir en tournée !
    C’était tellement chouette cet atelier, j’aurais voulu qu’il dure toute la vie !
    Merci Leonor, je ne pensais pas que ce "voyage" serait aussi important pour moi et qu’il nous emmènerait aussi loin (tout en restant à la fac !)
    J’aime beaucoup ta manière de travailler, comme une magicienne qui part de choses venant de nous et les transforme, les embellit.
    En effet, maintenant que tu as ouvert d’autres perspectives, je ne sais plus ce que j’ai envie de faire plus tard…A quand l’école Leonor Canales ? ^^
    Merci aussi à Loïc, je suis actuellement en train de tenter la fabrication d’un autre masque…

    Et encore merci à toi, pour ton attention, ta générosité et ton talent !

    Je te souhaite un bon été et espère te revoir bientôt.

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    Lucie, Le 4 juin 2011 à 16:17
    • Regard sur la saison qui vient de s’écouler… Le 4 juin 2011 à 18:06 , par leonor CANALES

      Et oui, ma Lucie des fois les voyages plus profond se font juste là, il suffit de vouloir pousser la porte. Et c’est precisement cela ce que vous avez fait. Moi et Loïc nous etionz que des compagnons, c’est vous qui avez voulu marcher. En tout cas, je vous remercie à vous toutes de ce voyage et j’éspere vraiment qu’il y aura une suite. Je t’embrasse bien fort !!! Tenez-moi au courant de votre vie…

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