" Un temps viendra où malgré toutes les douleurs nous serons légers, joyeux et véridiques "
Albert Camus
Bonjour à tous & toutes
On sors de la brume de l’hiver, les cœurs s’ouvrent. Au lointain la route nous attend, la douceur de l’été. La vie se déploie devant nous, comme un paysage de coquelicots...
ESPACE DE TOURNÉE
Marilyn est prête : perruque, chaussures et trompette, rien ne l’arrête. Attention à vos murs, Marilyn arrive chez vous !
A vos AGENDAS :
._ Festival Les Turbulentes à Vieux-Condé (59) -
Programmation CNAREP - LE BOULON
Samedi 5 mai à 18h
Dimanche 6 mai à 16h00
._L’Artymès - Mesquer (44)
Samedi 9 juin
._ Festival d’Aurillac
Mercredi 22 au Samedi 25 août
...et aussi, vous pourriez la croiser avec son acolyte François Berlivet (photographe de la Marilyn) dans les rues des Brest !
ESPACE D’ÉCRITURE & ITINÉRANCE
Et de rebonds en rebonds, nous venons de finir un très beau projet d’écriture en itinérante :
Pieds nus dans les bottes(en partenariat avec le réseau 4ASS’ et plus)
Pendant trois semaines nous avons été en immersion et +++ dans trois communes :
Scaër / Moëlan-sur-Mer / Concarneau
Nous, c’est l’équipe, d’artistes-explorateurs-tout terrain A PETIT PAS " :
Jean-Luc Aimé, Lucie Royet, Nigel Hollidge, Sebastien Magère et moi-même.
De ces trois semaines toute une galerie de projets sont en gestations : Journal de Bord/Spectacle/Visite à la Ministre de la Culture...
Mais surtout ce qu’il nous reste au plus profond, c’est l’écho de la rencontre avec tous ses hommes et femmes qui nous ont parlé de leur-s rebond (petit au grand) et qui ont partagé avec nous un petit bout de leur forêt intime. Merci !
Pour faire une promenade dans la forêt et connaître les méandres, de ce voyage cliquez ici :
Je vous invite à découvrir le texte d’Ali Ba, témoignage sur son ressenti lors de l’espace : Jardin d’exploration Artistique dans le cadre LAP/Rennes.
Ce projet était adressé à des jeunes entre 18 et 30 ans venus d’horizons différents. La question était :
"Qu’est-ce qu’il vous met en JOIE ?"
« La position de l’arbre ça réveille en moi un vieux souvenir. Je me rappelle les moments inoubliables que j’ai passés avec mon père à l’âge de 9 ans avant qu’il parte pour son voyage sans retour et n’est pas eut le temps de dire « Goodbye My Family », on avait un arbre de baobab au milieu de la maison... »
Nous avons démarré notre espace périphérique de recherche multidisciplinaire sur Techkhov et "Les Trois Soeurs" !
Dimanche 3 juin nous vous invitons à venir voir l’esquisse poétique qui auras lieu à la Maison du Théâtre (Brest/même) à 18h !
ESPACE DE L’INTIME
"La blessure est là pour être regardé de face et transposé grâce à l’acte de l’artiste"
J.M a su voir et mettre des mots sur les maux du Genou de Marilyn ! Merci...
T’as mal où ? T’as mal où Marilou ? Mal à l’âme ou mal au genou ?
Dans son dernier spectacle, Leonor Canales prend tous ses tamalous « en réparation », comme disait Francis Ponge . Les siens, et donc les nôtres. Non parce qu’elle les étalerait comme des tripes sur le billot du boucher (ça se fait…), mais parce qu’elle nous offre cette politesse du désespoir : une forme virtuose. C’est émouvant de voir une artiste atteindre à la plénitude de son être, de son dire et de sa joie. Au bout de longues années d’errances, de chutes et de rebonds, de succès et d’oublis. Mais sans jamais avoir quitté son chemin quand bien même un grand mur s’y dresserait. Car il vaut mieux se cogner à son authenticité que de prendre les chemins de traverse où l’on est peut-être reconnu mais où l’on ne se reconnaît plus. Alors Leonor Canales a creusé, elle est « celle qui creuse », et la voilà soudain en plein jour, plus rayonnante encore que dans Amour à Mère . Et c’est grande joie. Pour elle, pour nous.
Le Genou de Marilyn, son dernier spectacle, créé il y a un an en extérieur avec le Fourneau, est aujourd’hui repris en salle, épuré, densifié, on pourrait dire recréé, grâce à la Maison du Théâtre de Brest, bien nommée « lieu de fabrique » . Mais d’où vient donc cette joie de savoir que cela existe, que cela fut vécu et que la vie en est plus dense et plus légère à la fois ? Qu’elle fait moins mal ? Car le point de départ de ce spectacle n’est rien de plus que… appelons cela un accident domestique : une rupture des ligaments croisés. Mais bien d’autres choses se sont alors rompues, au point de donner l’envie de tout arrêter : le spectacle qui était alors en cours, une vie d’artiste. La vie ? Mais au centre de rééducation, il y eut la rencontre de ces hommes et femmes, bien plus cassés encore, tordus, boiteux, hideux. Et si beaux dans leur énergie de vivre avec cela. Ils sont sur le plateau, nés sous nos yeux en un clin d’œil, en un clin de corps. Il y a aussi Jésus et sa mère, et fugacement l’autre mère aussi, oui, celle d’Amour à Mère. Il y a même le mur de Berlin et le mur invisible.
Il y a surtout une très grande actrice qui porte en elle tout le théâtre par la seule poésie de son corps. Car même le texte qu’elle a écrit danse sur le plateau, vertigineux montage de niveaux de fiction que le corps incarne : elle est Leonor peut-être, une actrice en tous les cas, qui s’adresse au public ; elle est l’artiste ; elle est Marilyn pour laquelle se prend Marilou avec sa perruque blonde et sa jupe trop courte ; elle est les frères et sœurs de misère : Solange, Claire, Jérôme, Saïd, François, Marie… On pense, j’ai pensé, à Philippe Caubère dans cette éblouissante aptitude à remplir l’espace vide d’une multitude de figures qui nous deviennent si vite familières. On pense, j’ai pensé, à Ilka Schönbein dans cet art si difficile de jouer avec le public (la rue apprend cela) sans se laisser submerger par lui ni par la facilité, et à le faire passer d’un coup du rire tonitruant à un silence tout aussi assourdissant. On pourrait mesurer la qualité des spectacles aux gouffres de silence qu’ils sont capables de susciter dans une époque qui en a perdu jusqu’au souvenir.
Il y a donc Marilyn, si bêtasse et si émouvante. Retenez bien ce nom (il paraît qu’il est connu). Je me souviens avoir partagé avec l’écrivain et homme de théâtre Daniel Lemahieu, peu avant sa mort, une conversation au sujet de Leonor : nous étions tombés d’accord sur l’idée qu’elle avait la technique, la puissance et l’imaginaire pour inventer une figure de la dimension de Zouc. Marilyn pourrait bien être ce personnage d’une commedia dell’arte contemporaine à laquelle rêvèrent Copeau, Lecoq, Mnouchkine et bien d’autres , un Arlequin au féminin, notre semblable, notre sœur. Elle reviendrait nous parler de ses tamalous et de ceux du monde qui ne sait même plus où il a mal. On se dit, on m’a dit, que Leonor Canales est un grand clown. Mot ambigu, sauf si l’on admet que Charlot est un clown. A la fin du spectacle, Marilou, ayant jeté au trou sa perruque de fausse blonde, dit au-revoir à ses compagnons d’infortune. En une séquence muette au ralenti, Leonor Canales les convoque l’un après l’autre, monstrueux et familiers, nous les reconnaissons aussitôt par le seul pouvoir de la suggestion qu’offre un corps de comédienne maître du moindre de ses effets. Nous vivons à ce moment deux sensations simultanément : nous souffrons avec une humanité souffrante, alors nous pleurons ; nous admirons une artiste libre qui a transfiguré ses maux en une énergie qui danse, alors nous rions. Pas alternativement, simultanément. Cet art du rythme, cet art d’emmener le spectateur en même temps dans deux directions opposées : le bouffon et le tragique, l’émotion à fleur de peau et le jeu théâtral qui la met à distance, la pesanteur du monde qui fait mal à l’âme et au genou et la légèreté de la vie dans l’art, Meyerhold le nommait le grotesque et en faisait l’essence de ce « théâtre théâtral » qu’il revendiquait contre l’accablement naturaliste.
Caubère, Schönbein, Zouc, Chaplin, Copeau, Lecoq, Mnouchkine, Meyerhold : on pourrait se dire que cela fait beaucoup de références écrasantes. Mais c’est juste une histoire de famille. Leonor Canales, par sa formation et son obstination, est fille ou petite fille de toute cette lignée d’un théâtre de l’acteur, du jeu, de la joie virtuose. Mais elle n’oublie pas pour autant d’être sœur de Solange, Claire, Jérôme, Saïd, François, Marie...
C’est-à-dire de toi, de moi, avec tous nos tamalous qu’elle prend sur elle et qu’elle transfigure dans une fête tragique qui nous fait tant de bien.
Jean-Manuel WARNET, maître de conférences en Études théâtrales,
spectateur difficile.