Histoire

IL ÉTAIT UNE FOIS…UN CITRONNIER & UN OEIL !


Quand j’étais petite, j’habitais dans un village au sud de l’Andalousie au milieu d’une pampa de vignobles, l’horizon au loin et le soleil toujours rasant. Dans la rue où j’habitais, il y avait la maison de ma Grand-Mère : Maria. Elle habitait « Una casa de Vecinos » (une maison de voisins), c’est ainsi qu’on appelait les maisons dans lesquelles plusieurs familles cohabitaient. Il y avait un puit, un toilette à partager à plusieurs, une cour commune…

Dans cette maison, ces différentes vies se regardaient, s’entendaient vivre, se disputaient aussi et vieillissaient ensemble. Parfois certains partaient, parfois certains mouraient. Parfois la maison demeurait vide, comme celle de ma Grand-Mère aujourd’hui.

Mais je garde le souvenir d’un lieu plein de vie : des recoins, des sons, des jeux, des odeurs de nourriture, des sensations sensuelles…

Et un citronnier, citronnier que ma grande mère avait planté sous mes yeux.
Aujourd’hui, quand je reviens, le citronnier est toujours là, rempli de soleils…
L’œil du Citron était déjà née dans mon enfance…

Je garde en moi le souvenir d’un lieu qui, avec la distance, m’apparaît aujourd’hui comme un lieu idéal pour vivre. Le lieu idéal pour faire naître l’imaginaire, pour construire un autre rapport à l’autre et à soi. Individuel et collectif : le vivre ensemble !

Quand je pense à notre Citron, j’aimerais qu’il soit ainsi. J’aimerais recréer l’ambiance de « Una casa de vecinos », à partir de l’identité artistique que je porte au sein de ma Compagnie et de la profonde conviction que le rôle de l’artiste est multiple.
L’artiste est créateur (ouvrier) de son poème en mouvement à travers ses objets artistiques, mais aussi révélateur, tisseur, transmetteur de sens.

Dans mon travail au quotidien, j’essaye avant tout de partager un état : le désir du vivant !

Pour réactiver les forces désirantes…

Et à travers cet état, je porte une vision du monde, de notre place au monde, de notre pouvoir de transformation…

Dans ce lieu des possibles, je souhaite continuer à partager cette façon de voir et de vivre le réel, ce que je nomme : Être enchanté des yeux !

C’est aussi pour cette raison que l’œil cherche à être un espace désirable…

Une Ty « casa » où ça sent la patouille, la bouffe, la colle, la sueur, le café, l’humanité…

J’aimerais que cela puisse être un lieu à toucher, un lieu à rires, un lieu à paroles, un lieu à secrets, à cabaret, à laboratoire, à chantiers, à fêtes, à fatigue, à musique, à fouilles…

Je souhaite pouvoir accueillir mes ami.es artistes de la famille A Petit Pas, les héberger, pour qu’il.elles puissent profiter de ce lieu de création.
J’aimerais aussi pouvoir accueillir tous les autres ami.es : les amateurs d’Art, de poésie, de politique, de fête, les voisins, les habitants, les étranger.es, les modestes, les laissés-pour-compte… les hommes et les femmes de Brest.

Puis, imaginer « des temps suspendus » : des moments où on invente un « je ne sais pas quoi » :

Un moment de lecture de poèmes, un moment de thé, un moment de projection d’un film, un moment de paroles entre femmes ! Enfin, un lieu de vie… parce que l’art, c’est avant tout cela : Vivre intensement !

Si ce lieu se veut être un lieu du désir, un espace « à la lisière », il doit se positionner dans le champ de l’humain, de la spontanéité, de l’imprévu et du hors-cadre :

Inventer des espaces différents où l’imaginaire peut prendre place sans limite et sans peur. Il s’agit d’un rempart contre la folie, contre l’appauvrissement de la pensée, rien de moins qu’un îlot de résistance aux nourritures diverses !

Un lieu de joie et de pensée en mouvement !

Leonor Canales Garcia

Paroles de Fabrice Melquiot

"Il faut continuer d’embrasser et d’embrasser les théâtres avec un esprit libre, en écrivant des poèmes sur les murs, en organisant des cortèges chantants à travers la ville, en rappelant à ceux qui ne nous ressemblent pas la passion qui nous impose de mettre le théâtre au centre de nos vies. Comme si tous les théâtres étaient des granges à réinventer, dans un paysage grand ouvert. Sans cynisme et sans pose, sans culte de la mondanité, sans obsession de reconnaissance. Aux antipodes de l’art officiel, non ?"
Fabrice Melquiot (auteur de théâtre « Melquiot Backstage »)