Voyage à Barcelona

mercredi 13 mai 2015, par Leonor

(Dans l’avion)

Je pense à la mort.

Pour quoi cette conscience si aigue se réveil à nous de qu’on met les pieds dans cet engin ?

Parce qu’on vol ? Nous Icare sans ailes…

Au tout simplement parce que voir la terre depuis le ciel, nous ramène à notre fragilité…

Brindille d’herbe qui peut à tout moment se briser !

(Toujours dans l’avion)

Mon stylo noir dégouline de l’encre noire sur ma main blanche.
Des taches sur ma main…

« Non je ne serais pas convenable comme Cendrillon »

Je fais avec, plus tôt sans !

(Dans le métro)

Il faut du temps pour s’acclimater au métro d’une ville.

Chaque ville a son métro et même si on trouve des ressemblances : enfermement sur soi, écouteurs, 85 pour cents des gens avec leur portable, 4 pour cent avec des livres (2 dans le métro de Barcelone) et presque personne qui regarde dans les yeux…

Il y a aussi les différences.

Barcelone est un métro avec des grands espaces, des panneaux aux multiples couleurs, des machines pour entrer où tu ne sais pas si tu dois entrer par la droite au par la gauche. Le métro = les entrailles de la ville et les entrailles il faut les arpenter pour y
connaître les codes. Et comme dans toutes les entrailles il y a des monstrueux qui ne sont pas forcement ceux et celles qu’on croit !

(Proxima station : Verdaguer !)

La jeune femme est ronde, d’une rondeur populaire. Elle est ronde et pauvre. Elle porte un décolleté par lequel la moitie de sa poitrine, riche, déborde en cascade. Ses seins ont des marques. Elle est jeune, très jeune. Sûrement d’origine sud-américaine par son accent !
Elle chante mal, mais elle chante :

« Voy a reir, vivir, vivir mi vida, la la la… Voy a reir, vivir, vivir mi vida »

Elle fait l’aumône avec sa chanson gaie dans ce corps qui est déjà si triste. Sur l’ampli qu’elle porte avec elle, une petite photo au centre d’un enfant : une fille. On comprend que c’est sa fille.
Elle dit : « Si vous ne le faîtes pas pour moi faîtes le pour ma fille »

« Voy a reir, vivir, vivir mi vida, la la la… »

Face à elle, filiforme, mince, regard aiguisée. Sûr de lui et de sa verticalité un jeune homme caricature du jeune cadre dynamique pas encore supérieur. Lui, il ne regarde pas la jeune femme.
Il ne regarde que lui dans les vitres du métro. Lui il a réussi.
Il raccommode sa chemise, sorts son portable, sourit. Indiffèrent au monde et aux autres il se croit indestructible.

« Voy a reir, vivir, vivir mi vida, la la la… »

(Assise dans une terrasse, seule avec ma bière et mon cahier)

Se donner un temps pour soi.

Un temps pour soi ?

Au fond je comprends que cela ne veut rien dire, (se donner un temps pour soi) c’est comme une annonce publicitaire.

Je me donne un temps pour un soin beauté, pour une sortie avec mes copines, pour un voyage ailleurs, pour…

Je cherche autre chose. Je ne suis pas venue à Barcelone pour me donner un temps pour moi, c’est une autre inquiétude qui m’anime. Un autre rapport avec moi !

Dialogue qui peut faire mal, qui peut provoquer bien des tremblements profonds parce qu’être avec soi ça fait mal.

Ce n’est pas si simple, si évident. Et ce n’est pas une question de solitude mais de confrontation…se voir c’est douloureux !

(Rencontre avec Mercedes)

« Ahora la protagonista de la pellicula soy YO »

(« Maintenant la protagoniste du film suis-je, Moi »)

Mercedes n’a pas d’âge, Mercedes à une crinière de lionne, une peau ravagée par la vie mais c’est une belle femme. Elle est seule dans une petite table. Je suis dans un restaurant populaire dans le quartier Gotique. Un restaurant où les touristes ne vont pas parce qu’il n’est pas repairé dans les guides et qu’il faut le trouver dans les méandres des ruelles. Il y a un menu à 10 euros, une cuisine simple mais bonne. Le restaurent existe depuis plus de 30 ans et fait partie de l’histoire de ce quartier, avec ses habitués et ses habitudes. Je suis là parce que Juan, le vieil anarchiste de 93 ans rencontré ce matin m’as dit d’aller là si je veux manger bon et pas chère.
Quand je rentre le serveur qui est le patron (ça se voit à sa démarche) fais mine de ne pas me voir. Mais, je sais que cela fait partie de la cérémonie d’introduction. La vie est faite ainsi. Mais Mercedes est là. Elle me propose de m’asseoir avec elle à sa table, puisqu’il n’y a plus des tables libres.
Le patron fait la mue, demande à Mercedes si elle est d’accord et à partir de ce moment, il me sourit.

Il commence là une aventure de 2’30h face à cette inconnue que tu connais déjà. Elle te rappel à quelqu’un mais tu ne sais pas encore qui. Je le saurait quand nous nous diront : Hasta pronto !

Nous parlons des enfants, l’amour et l’Espagne d’aujourd’hui. Mais, ce n’est pas forcement ce que nous nous disons qui est important, l’essentiel est le lien qui nous unit. Une familiarité et une chaleur humaine, sans besoin des preuves ni des lendemains.

Elle me promène dans le quartier, me raconte les changements, le trop plein des touristes, sa vie de lutte dans les années 70 et son constant : « Aujourd’hui la protagoniste du film c’est moi ! »

J’aime cette façon qu’elle a d’affirmer sa présence et son désir. De ne pas se laisser enfermer, capturer dans une cage.

Il est 16h et je dois aller au séminaire pour le quelle je suis venue. Il seras question des femmes, de savoir entendre cette voix qui pousse en nous et qui nous appel vers la vérité. Mercedes a compris, elle sait.

Le visage de ma tante apparait dans ma pensée. Son visage me rappel son visage, sa détermination me rappel la sienne.

(Ma tante Paquita, emprisonnait 8 ans, femme libre, ayant vécu sa vie comme elle l’a toujours désiré)

Nous partons chacune de notre côte.

Et moi, est-ce que je suis « la » protagoniste de mon film ?

(Dans les rues)

Je n’ai pas vu des musées.
J’ai arpente les rues.
Je me suis perdue et laissé chavirer.
J’aime ne pas savoir où j’y vais.
M’arrêter où le désire fait acte.
Attendre que quelque chose au quelqu’un advient.

(La Phrase du voyage)

« Sigue buscando… »

« Continu à chercher… »

C’est une phrase écrite sur une porte. Tous les matins quand je sors de l’appartement où je dors je vois cette phase. Elle m’interpelle.

Pour quoi elle est là au bout milieu de mon chemin ?

Picasso disait : « Je ne cherche pas je trouve… »

Il est où donc l’équilibre entre chercher et trouver ?

(Des petits instants de joie)

J’ai aimée trouver un bouton par terre. Je suis persuadé que les boutons sont magiques.

J’ai aimée contempler les mains d’une vieille dame, très vielle mais très digne dans le métro.

J’ai aimée ce moment où j’ai rencontre Juan (le monsieur de 93 ans), avec lui nous avons traverse la place de la cathédral et nous avons cherché ensembles la rue qu’il connaissait depuis enfant mais qui ne savait plus où il se trouvait.

J’ai aimée le couple assis dans le café de quartier. Leur amour. Et le sourire du monsieur quand je leur ai dit au revoir en catalan !

J’ai aimé le chant profond et terriblement émouvant de Mayte Martin .

Claire aussi était là. Elle la danseuse qui vole…

J’ai aimé ma première bière et mon première « bocadillo de tortilla de patatas » en train d’attendre Roser.

Roser c’est chez elle que je dors. Et chez Pepo, son copain.
Roser et Pepo. Lui je ne l’ai pas connu, mais je sais que tous les deux sont beaux. Ils sont ce type de espagnol, des catalans qui n’ont pas fermé les yeux. L’autre Espagne…

J’ai aimée le dernier café.

Et « la ensamaida ».

J’ai aimée emmener à mes filles 400 grammes de jambon et 200 grammes « de cinta de lomo », coupé le matin avec soin et très doucement par un sud-américain (lui aussi un déracinée comme moi) dans son petit commerce de quartier.

J’ai aimée le chant de la jeune femme pauvre dans le métro. Sa ferveur et sa tristesse, sa douleur et ses seins. Je suis revenue avec…

J’ai aimée la douceur et la chaleur qui a entouré mon corps du moment que j’ai mis les pieds dans l’air de Barcelona !

(De retour à la maison)

Mes filles sont avec moi.
Je suis heureuse de voir qu’elles sont heureuses quand elles ouvrent le papier avec le jambon

« Oh maman ça sens bon !
Oh ce n’est pas comme celui du supermarché ! »

Moi je mange du riz en attendant que ce virus qui vient de se réveilleur depuis mon arrivé quitte mes entrailles.

Le mal du pays fait mal !

Je reviens avec les tripes en compote et un étrange sentiment d’étrangéité…

A trop se perdre on prend le risque de chavirer ?

Sigue buscando…

« Voy a vivir, vivir, vivir mi vida !
La la la la la !
Voy a vivir, vivir, vivir mi vida
La la la la la ! »


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