82 ans… J’ai 82 ans et des poussières… Qu’est-ce que je fais là ?
J’attends… J’attends qu’on vienne me chercher c’est ça les vieux… Savoir attendre. Avant je n’attendais pas… j’étais jeune et belle… mais surtout rapide, très rapide… maintenant tout est lent ou presque… mais je ne me plains pas j’ai encore ma tête… ou presque (l’arthrite, la migraine, la sciatique, les enfants)
D’abord c’est les jambes, l’arthrose, les varices, la circulation ça fait mal, après c’est la sciatique, le mal de dos, les rhumatismes, les mains qui tremblotent et le foie attention au cholestérol puis un jour c’est le cœur (alors là c’est le début de la fin… la machine tout passe sauf la tête… mes lunettes, où j’ai mis mes lunettes le trou le néant on commence par oublier les petites choses les riens du tout le lait qui brûle dans la casserole le matin la facture d’électricité, l’anniversaire de la petite pourtant j’avais bien noté sur le calendrier de la cuisine sortir les photos du tiroir et mettre leur prénom : Jules mon Jules oublier de faire pipi là où il faut oublier de fermer le gaz oublier le chat sur le balcon oublier le rendez-vous chez le coiffeur oublier d’ouvrir à la dame le repas prêt oublier les pilules sur la table oublier qu’on oublie puis écrire écrire sur les murs sur les vitres : fermer bien à clef sur la table : n’oublie pas ton médicament sur la tasse : un seul sucre sur la porte : n’aies pas peur c’est ta fille sur les toilettes : tirer a chasse d’eau sur le miroir : mets tes lunettes maman mais si je vois rien comme je peux lire enfin c’est comme ça qu’on s’oublie petit à petit à petit feu on s’attend on bascule de l’autre côté pourtant à l’intérieur rien n’a changé je me sens jeune et même que des fois j’essaie de faire l’amour eh oui c’est fou eh ! la vieille mais vous savez ça ne s’use pas ces choses là ça marche encore le machin eh oui je n’ai qu’à toucher un tout petit peu pour que ça me donne la chair de poule et si je continue ça coule partout ça je n’ai pas oublié heureusement au moins il me reste ça en attendant… enfin c’est comme ça c’est la vie : on naît puis un jour hopla on meurt et ça tourne…