Famille artistique

Sans eux je ne serais pas moi

Ceux qui nous accompagnent, ceux qui nous font confiance, ceux qui croient en nous et nous voient là où nous ne savons pas encore que nous serons un jour… Ceux qui nous offrent en cadeau une partie d’eux-mêmes !

Tous ces hommes et femmes qui ont croisé mon chemin, depuis mon enfance et qui m’ont regardée autrement. Qui m’ont aimée dans ce que j’étais et qui ont voulu m’aider, me pousser, me transmettre, m’accueillir, me protéger. J’ai eu la chance, comme beaucoup d’entre nous, de trouver des piliers qui m’ont permis de tenir droit, de ne pas flancher. J’ai eu la chance de rencontrer un berger, une maîtresse, une danseuse étoile, un accoucheur, un argentin fou, un ogre et son ogresse, un peintre-architecte, un poète de l’espace…

Ces rencontres d’un soir, d’une vie, m’accompagnent profondément, font partie de moi, grâce à eux, à elles, j’ai appris « A ME DIRE » à me raconter, moi, petite fille de rien du tout.

On se construit grâce aux cailloux que les autres laissent en nous ! Bons ou mauvais, nous sommes les châteaux des autres ; à nous d’en faire le paysage qui nous entoure et, de temps en temps, jeter aux ordures les cailloux pas gentils. Parce que ça, il y en a aussi.

Parler de tous est une longue tâche, celle de mes 38 années. J’ai choisi certains, parce qu’ils était là, en moi « A FLEUR DE PEAU ».

J’aime inscrire mon travail dans une suite. Un travail qui se poursuit. Je sais que ce que je fais aujourd’hui est la conséquence de tout ce qui a été fait avant moi. C’est pour cela que j’aime défendre ma démarche artistique dans un héritage, celui des maîtres de théâtre. Ils/Elles n’ont pas tous un rapport direct avec le théâtre mais ils en ont pour moi.

Dans mes premières années d’apprentissage, la référence théâtrale dans mon école était Stanislavski (La Construction du personnage). On croyait, à cette époque, que la réussite du jeu passait par le fait de souffrir avec… (L’Espagne est une terre de souffrance/ 34 ans de dictature, par exemple). Il fallait ressentir tout ce que le personnage sentait, s’identifier corps et âme à lui/elle.

De ces premières lectures, il me reste le travail d’introspection, de quête intérieure. Je ne pense pas, aujourd’hui, que pour être sur un plateau il faut souffrir ; ce n’est pas ma vie que je mets en jeu. Néanmoins, je suis convaincue que pour arriver à la justesse de ce qu’on veut dire, pour arriver à l’essence de l’autre (personnage/spectateur) il faut être intimement ancré en soi et à la fois dans l’histoire/corps du personnage.

Antonin Artaud. Je l’ai découvert en Espagne. Je n’ai pas très bien saisi l’envergure de son message (il m’a fallu du temps) mais ses mots ont été un choc. Il a remué mes entrailles. Pour la première fois, j’entendais parler de :

« Un théâtre qui, abandonnant la psychologie, raconte l’extraordinaire, met en scène des conflits naturels, des forces naturelles et subtiles, et qui se présente d’abord comme une force exceptionnelle de dérivation. Un théâtre qui produise des transes ».

Autres héritages

Gordon Craig, un théâtre total.
Kantor, l’acteur et la super-marionnette.
Grotowski, le feu sur le plateau.
Dario Fo, un théâtre populaire.
Etienne Decroux, la maîtrise du mouvement.
Augusto Boal, un théâtre social.
Eugenio Barba, le métissage des langages/cultures.
Peter Brook, la poésie du vide.
Pina Bausch, la beauté d’une image.

Luis Jaime Cortez

Mon cher Luis : Pousse, pousse ! Lui, je l’ai rencontré un jour à l’ANPE spectacle, où il m’avait proposé de faire un stage de masque avec lui. Il avait compris que j’étais perdue. Lui aussi vient d’ailleurs, c’est un étranger, un déraciné, comme moi. Avec lui, j’ai découvert le masque et sa force de métamorphose.

Dessin d’étude en première année de l’école Jacques Lecoq

Jacques Lecoq

Mon autre « père », mon autre maître. Dans son école, j’ai compris que je faisais partie d’une famille de comédiens : ceux qui travaillent avec leur corps et qui se positionnent comme des chercheurs. Des acteurs-créateurs. Dans son école, j’ai appris la maîtrise du mouvement et sa poésie, la dynamique des émotions, les grands langages et le travail de troupe. Lecoq était fort, grand et dur. Dur avec moi parce qu’il savait qu’il pouvait me bousculer. Lecoq mettait de la distance, il voulait pas être le père. Lecoq était un homme et, de fait, injuste avec les filles. On devait se bagarrer comme des lionnes. Lecoq était beau dans sa fragilité. Il m’a appris à pousser les limites, à aller au bout, à me remettre toujours en questions :

Elle est mieux quand elle se cache ! Maintenant, on vous regarde mademoiselle ! C’est bien, vous avez été jusqu’au bout ! Elle se croit comédienne, c’est pire qu’à la t.v ! Si vous avez quelque chose à revendiquer faites-le sur le plateau…

Et la phrase finale, la phrase dite le jour du départ. Moi, en larmes, parce qu’il fallait bien lui dire tout mon amour :

- Vous avez été quelqu’un d’important pour moi…
-* J’ai compris. J’ai confiance en vous !

Cette phrase est ancrée en moi, elle me suit, m’accompagne, m’émeut encore, me donne la force et l’espoir !

Daniel Lemahieu et Danielle Lemahieu : Mes Ogres !

J’ai rencontre D&D à 29 ans, et nous devions travailler ensemble pour créer une petite forme : Un poème clown. Ça allait s’appeler : Gaia (la mère terre), il ne savait pas que j’étais enceinte de Louison (ma première fille) et moi je ne savais pas encore qu’il allait devenir mon autre moi.
Grâce à lui, je me suis permis d’écrire, je me suis permis d’aggraver mon cas, de trouver en mes fautes une force, en mon parcours, fait de bric et de broc, un universel : ma bricolité.

D&D m’accueillent toujours dans leur maison à Roubaix (leur lieu de naissance), je parcours leurs livres. Daniel fait à manger et Danielle écrit tout ce qu’il dit. Ils sont un, ils sont un tout !

Ils sont pour moi un exemple, je les admire par leur humilité, leur simplicité et leur grande sagesse. Je les aime parce qu’ils s’offrent à moi sans rien attendre…

Je me demande toujours pourquoi ? Et chaque fois que je suis avec eux je me rends compte de ma chance !

Entre la catastrophe et l’utopie, je vis dans l’urgence de l’écrit. La catastrophe me raconte qu’écrire c’est s’accuser dans sa langue. L’utopie m’apprend qu’écrire c’est aussi entrer en scène. Je surnage entre les deux, à la recherche effrénée de ma voix. Toutefois, je vais mieux depuis que je sais que je vais mal.

Daniel Lemahieu

Christian Coumin

Celui qui a su, qui a pris le temps de me regarder sans rien forcer, qui a su lire derrière ma « Matière Catastrophe ». Celui qui a trouvé les lignes, les directions justes, les mots pour m’accompagner dans la création d’Amour à Mère. Qui a su s’effacer pour me laisser la place de la lumière. Celui qui m’a aidée à accoucher de mon monde intime : mon âme-frère !

Claire Heggen

Femme, pédagogue, artiste du mouvement. Passeuse. Sorcière. Une battante qui m’a appris l’importance de se savoir : « chaînon d’une chaîne ». 

Et tous les autres :

Michel Azama, Cédric Gourmelon, Maribé Demaille, Gezza, Ricardo Montserrat, Martial Anton, Sandra, Bernard Lotti, Catherine Germain, Geneviève Gauthier, Michelle Porcher…